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A leurs pieds, la maison du gardien des morts laissait voir sa terrasse entre les branches des figuiers et des chênes-lièges. Les doubles stèles luisaient parmi l'herbe maigre, et, dans les petites coupelles, creusées aux extrémités et aux chevets des fosses, un peu d'eau miroitait sous la lumière. Des enfants nus couraient parmi les tombes. Alentour, des Mauresques, ayant rejeté leurs voiles, étaient accroupies en cercle. On les voyait manger des friandises, le vent apportait les rudes intonations de leur babil. Au plus profond du ravin, un vieux fossoyeur, vêtu d'une simple gandoura serrée aux flancs par une ceinture de cuir, creusait un trou avec acharnement. De temps en temps, il ramassait par terre un bâton, et il s'appliquait à bien prendre les mesures. Puis, I'éclair de sa pioche brillait de nouveau, et il ne se reposait point, bien que la sueur brillât sur ses jambes lisses comme si elles étaient frottées d'huile. Rafael le suivait avidement des yeux. Le vent d'Est s'était apaisé. Une fraîcheur tempérait la brûlure du soleil déjà haut. La clameur confuse du Faubourg arrivait à peine. Tout était éclatant et paisible dans ce beau jardin des morts, et Rafael, regardant le fossoyeur, songeait: "C'est un métier aussi, cela ! Un métier comme le mien !..." -Sais-tu à quoi je pense, Juanète ? Je voudrais être enterré ici... Pas là-bas, dit-il, en tendant son doigt vers Saint-Eugène, du côté du cimetière chrétien... Ici, on doit être bien pour dormir !...
Louis BERTRAND. "Le Sang des Races". Centre Français d'Edition et de Diffusion. Tchou. 1978.