Place
Jules Cambon. (Place du Triolet)
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Carrefour du Triolet (ou du Moulin St Louis)
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Couverture
de l'Oued M'Kacel
Moulin St Louis
L'oued, c'est l'oued M'Kacel qui descend du Frais-Vallon, vert, boisé, humide. Au Climat-de-France, il est rejoint par l'oued Lezhar. L'eau en est belle et vive et les lavandières y savonnent un linge qu'elles tendent sur l'herbe. Au-dessus, sur les flancs de la Bouzaréa, des Maltais ont trouvé les maigres pâturages indispensables à leurs chèvres qui parfois descendent chercher fortune jusque dans le trou Bonnifay où s'élève un superbe bellombra dont les vieux se souviendront longtemps. Presque tous les ans, lors des grosses pluies d'automne, quand les cadavres de l'été obstruent caniveaux, buses et gouttières, l'oued M'Kacel déborde et inonde les bas quartiers du Pont. On en a pris l'habitude, malgré la menace pour les maisons de torchis hautes à peine d'un étage comme toutes celles de Bab-El-Oued. Le pont, près de l'embouchure, s'appelle aussi Barchicha, du nom d'une chapelle ou d'un tombeau israélite bâti sur un tertre...
L'oued fait régulièrement des siennes rue Fourchault, entre les Trois-Horloges et l'église Saint-Louis actuelle, en inondant les écuries Jaubert. Chaque automne ou presque, il faut sauver les percherons de la noyade et tirer au sec les galères, ces lourds chariots aux roues arrière plus hautes que les roues avant qui transportent la pierre sur les chantiers et sur le Front-de-mer alors en construction de l'Amirauté aux portes Bab-Azoun...
Le moulin Saint-Louis est une autre nouveauté. Au Climat-de-France, un Maltais entreprenant, M. Axiach, a monté son installation à cylindres. Cent mètres plus haut, sur la confluence des oueds M'Kacel et Lezhar, il a jeté un petit barrage -que tout le monde appelle en espagnol le pantano- pour retenir les eaux et régulariser leur débit...
On croit en avoir fini avec les inondations, l'administration ayant en 1874 fait canaliser la rivière entre le trou Bonnifay et la mer, et les travaux ayant été réalisés par M. Jaubert. Au moment de payer l'entrepreneur, on s'aperçoit qu'il n'y a plus de crédits! En dédommagement, on lui donne la rue Franklin ou plutôt le terrain vague sur lequel elle sera tracée plus tard et qui, dans ses limites, englobe un vieux cimetière israélite. L'oued ne s'est pas cru quitte pour autant: en 1900, il sort de son lit, menace de faire fondre comme sucre les maisons de torchis et de noyer les cigarières -Bab-El-Oued ignore la cigarette et ne fume que le cigare- qui chaque jour se rendent à la fabrique Berthomeu, en face du bain des familles. Elles se déplacent en bandes joyeuses, vêtues de sombre, portant un petit tablier de satinette noire...Gabriel CONESA. "Bab-El-Oued notre paradis perdu". Robert Laffont. 1970 et Editions Jacques Gandini. 1995
L'oued impossible. L' Oued descendait des "gorges" qui séparent les hauteurs d'El-Biar de celle de la Bouzaréa.. et que nous appelons aujourd'hui le Frais Vallon. Il passait assez près de l'emplacement actuel de l'église St-Louis, frôlait les Trois-Horloges et le marché... l'arrêt des T.A. et le Bar Olympique et courait se jeter à la mer sensiblement en face de ce qui est aujourd'hui la gare désaffectée de Bab-el-Oued. Naturellement il n'y avait alors ni horloges, ni église St-Louis, ni Bar Olympique. La seule église était l'église St-Joseph, construite vers 1870, devant un terrain vague qui devait devenir la place Lelièvre... et qui garde un souvenir ému du jour lointain où Cagayous s'y est marié avant de s'en aller en voyage de noces à l'Hôtel du Jardin d'Essai, dont il ne reste que les palmiers au bord d'une plage déshonorée par les usines.
Quand l'oued débordait, tout le quartier qui va de la rue Fourchault à la mer était inondé par une crue qui transportait autant de tonnes d'eau que de détritus. C'était inconcevable.
Vers 1874, on décide de couvrir l'oued pour s'en protéger. C'était condamner le délinquant à la prison perpétuelle. M. Jaubert, le propriétaire des fameuses carrières, fut chargé de cette incarcération. Il accomplit son oeuvre en deux étapes. Un premier tronçon couvrit l'oued depuis la mer jusqu'à l'arrêt actuel des T.A. face au Bar Olympique. Puis on marqua un temps d'arrêt faute de crédits.... et le Moulin. Entre temps, un maltais astucieux nommé Axiach, eut l'idée d'utiliser l'oued pour entraîner les roues à aubes d'un moulin. Ainsi naquit "Le Moulin", tellement paradoxal de ce côté-ci de la Méditerrannée que Bab-el-Oued s'en souvient encore.
Crée vers 1880, le Moulin atteignit le sommet de sa prospérité vers 1900. Mais en 1900 aussi, M. Jaubert parvint à couvrir le deuxième tronçon de l'Oued maudit.
Le Moulin s'achemina doucement vers sa ruine. Il figurait une ébauche pour une future cité industrielle qui ne vit jamais le jour parce que les terrains mieux disposés d'Hussein-dey et de l'Harrach naissaient aux réalités économiques.
Il reste du Moulin un souvenir confus, vaguement inquiétant... quelque chose comme une légende du pays du Rhin... Et Bab-el-Oued murmure qu'ayant été maudites puis vendues, les machines du Moulin furent chargées sur un cargo norvégien qui se perdit corps et bien dans une tempête.
Le moulin ayant frappé trop violemment l'imagination du faubourg pour que le faubourg puisse croire qu'il avait disparu à jamais.
Bab-el-Oued, délivré des caprices de son oued, en fit une prodigieuse attraction pour ses "poulbots"... et les générations d'enfants du faubourg ont courru derrière des porteurs de torches sous les voûtes construites par M. Jaubert.Jean BRUNE. "Bab-el-Oued raconté à Toinet". Edition Atlantis. Friedberg/Bayern. 1999.
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